vendredi 6 mars 2015

TUNISIE –HYDROTHERAPIE


Une histoire d’O …

         Entre la Tunisie et l’hydrothérapie, une longue relation. Elle remonte à des millénaires. Surfant sur  un littoral de plus de mille kilomètres et  renfermant dans ses entrailles montagneuses  aussi bien que ses espaces steppiques et sahariens des ressources hydriques importantes  , le pays évolue dans une confluence  méditerranéenne privilégiée. Le savoir des pères de la médecine antique( du grec Hippocrate au romain Gallien) y trouvèrent résonance auprès de nos ancêtres, Gétules , Berbères ,sub-sahariens et autres.
      C’est  qu’utilisée à bon escient, l‘eau-source primordiale – préserve et transforme la  vie. Autant que les autres éléments ( air-terre et feu) qu’offre généreusement  dame nature aux espèces :animale, végétale et minérale.
        Alors que l’office national du thermalisme et d’hydrothérapie(ONTH) célébrera en Juin prochain son 40 ème anniversaire,les ressources hydrauliques n’ont pas cessé de dévoiler leurs secrets sur le double plan préventif et curatif et leur envergure  touristique et  développementale. Et pour cause. 
       A l’ère de l’homo-cyber,plus que jamais l’humeur et le corps de l’homme n’auront jamais été aussi malmenés .Stress,contraintes du mode socio-professionnel, fatigue, fast-foodisation des bedaines , pollution  sonore et environnementale et accélération  du factuel , sans cesse déprimant…Bref, une course contre la montre ( biologique) aux conséquences indubitablement désastreuses pour la santé mentale et physique des bipèdes terriens.
      QUE FAIRE ?
               Il faudrait apprendre à marquer des pauses et réfléchir sur la courbe exponentielle d’actes médicaux, d’Avc, d’ordonnances délivrées pour acquérir de tranquillisants et autres antidépresseurs  faisant de nos  pharmacies l’espace  public le plus achalandé après celui des hyper-marchés ….Sans vouloir la jouer au  fameux docteur-conseil Hakim, une alternative soft et à moindre cout existe ,du  moins pour des distorsions qui ne nécessitent une intervention plus sophistiquée : Eurêka : il s’agit de l’hydrothérapie. Avec le thermalisme, la thalassothérapie et les spas( sanita per aqua), la Tunisie offre une gamme variée de cures aux bienfaits inestimables et non moins  estimables sur l’esprit et le corps.
            De nos jours, la Tunisie occupe -après la France- la deuxième position mondiale dans le secteur de la Thalassothérapie .En matière de thermalisme, elle ambitionne de talonner la Suisse, trônant -à juste titre -en pole position. 
           Dans une vision prospectiviste, l’ambition  semble placer la barre plus haut .
          Élaborée par l’ONTH , une stratégie -à court terme-  s’articule autour des  axes suivants .
---l’inscription et la valorisation du thermalisme dans les projets de développement régional
---la distinction du produit hydro thérapeutique (curatif) du produit  touristique (de loisirs)
---la conformation et l’accréditation des centres nationaux  aux plus  standards des normes internationales 
---le renforcement du volet de la communication et du marketing ciblé
---l’assistance technique aux  professionnels et la consolidation de la formation et de la recherche scientifique
---l’agrément de nouveaux projets générateurs d’emploi et le lifting des installations existantes dans les gouvernorats de Kasserine,Ben Arous, Nabeul, Siliana,Kairoaun et ailleurs .
      La Tunisie entend ainsi bénir son eau bénite .Pour  que se perpétue féconde l’aventure Jouvence;comme pour paraphraser  Saint Augustin, l’enfant de cette terre : si la beauté du corps était l’âme , la   beauté de l’âme serait d’eau…
©Habib OFAKHRI


lundi 2 mars 2015

Hommage au linguiste Tunisien Salah Guermadi

SALAH GUERMADI, IN MEMORY
 

25 mars 1982- 25 mars 2015.Il y a 33 ans, jour pour jour,  Salah Guermadi fit son ultime révérence à la planète des terriens .Sans  la quitter. L’œuvre physique ou mentale perpétue l’esprit  des disparus   faisant  revivre le corps-substance- auprès de ceux en voie de les rejoindre. Tel est le cycle  inévitable de la création humaine : naitre, vivre et mourir. Ephémères Souffrances et Plaisirs.. .Outre l’absence d’un homme trépassé, tragiquement- avec un des ses compagnons (alias Djinn (le Démon) pour les intimes), la scène  aura perdu également  un poète, un romancier, un journaliste et un universitaire engagés.
      Mais il fut  surtout le fruit de son époque (coloniale) ,de son quartier Halfaouine( Médina de Tunis) et de l’école francophone où il a soutenu brillamment une thèse de doctorat en linguistique. La langue  constitue son dada , assurer  la subsistance , livrer bataille contre  l’exploitation  du travail par le capital et la dénaturation de la culture de son peuple auquel il  était organiquement attaché .C’est dire qu’il aura traversé des périodes contrastées  de la Tunisie ante et post-indépendance.Et comment pouvait-il les surmonter alors que le destin ne lui eut  pas laissé suffisamment du temps…
        Survolée la première époque ,  détour du coté de Halfaouine .Salah naquit le 12-04-1933 à Houmet Essouwahel (quartier des Littoraux).Il s’agit d’une rue –long et étroit couloir-dont l’ouverture donne , à l’est, sur la place d’une grande mosquée et à l’est, sur l’esplanade Sidi Abdessalem .Des familles y évoluent  silencieusement derrière des portes fermées  et bariolées ; en contraste avec  l’environnante activité grouillante , haute en couleurs et senteurs de vendeurs  de fleurs,de fripe, de condiments, de légumes et poissons, de brocante et autres babioles .Mais la topographie des lieux est plus évocatrice d’un milieu semi-clos .Dans la  rue, le passant  est interpellé par le  nombre d’impasses( Impasse de la toiture, celle du Noir ,d’Attouche,de Makhlouf…) .Les rares ruelles adjacentes conduisent à  trois  lieux de culte .Ils s’ajoutent à ceux de Saheb Attaba (le détenteur du sceau)et Abdesalem( l’homme de la paix).Une toponymie  quasi- claustrante  pour  un jeune homme .Coincé entre imprimatur et silence . Plus tard,il ne manquera  d’en déchiffrer le sens énigmatico-casse dans l’étude qu’il consacre à « La langue des enseignes de quelques rues importantes de Tunis » !
          En empruntant  la voie de  l’école occidentale, il sera   confronté au dilemme de la langue maternelle et  celle de l’occupant .Sa révolte est provisoirement contenue. A ceux qui lui ont  inculqué que ces ancêtres étaient des Gaulois, il réplique en 1975 par une  cuisante réplique : » Nos ancêtres les Bédouins »  avertissant l’autorité politique que « Quand le pays nous reviendra, nous serons à la hauteur du néant que vous ne fites et qui nous entoure » .Le néant.  La vox populi  gronde et s’explicite. Chez l’homme mature  le politique s’éveille, d’autant qu’ auparavant  il s’était  juré d’appeler un chat un chat (cf  son protopoetique   « la chair vive »).La langue  lui donne les ailes de  liberté , de la justice et l’amour de la patrie .Sa patrie.
D’OU VIENT L’ARABE ?
Il traduit  vers l’ Arabe  «  Je t’offrirai une gazelle » de l’ Algérien Malek Haddad( 1927-1978) ,ce  patriote « exilé dans l’exil » .Il pourfend  la fatuité  des néo-riches et la vanité des écto-intellectuels , ces  « Nous les sous signataires –professeurs et chercheurs -ayant peur de la Signature »…Parution de l’œuvre :  « Le cireur » et » le frigidaire »(publié post-mortem).
Pour la sémiologie , Guermadi  aura rendu de services inédits. Il  est l’instigateur  du premier  département de la linguistique dans la région afro-arabe .Il traduit «  les  cours fondamentaux » de F.de  Saussure ; un pavé  dans la mare des  théo-narratifs  qui « sacralisent » le Verbe .(« L’énoncé originel n’est pas questionnable sur sa cause », soutiennent t-ils ) .Soit. Si la cause reste hermétique, l’effet ne devrait –il pas fournir la piste de ses paradigmes. ? L’enjeu et l’entrejeu se rapportant   au registre de la conscience morale et la moralité : du mal et du bien ,du juste et l’injuste , du beau et du risible ,de l’anormal et le normal…Mais d’où  vient l’Arabe ?Hormis quelques travaux d’orientalistes  cautionnés par des auteurs tel que Georgy Zeindane  seul - à ma connaissance limitée-  l’arabophone accompli Ahmed F.Chediak (1804-1887)  a traité de « la philosophie de la langue » ,suivi de son  malicieux ouvrage intitulé «  Radioscopie du dictionnaire  « (Al Jassous Ala Al kamouss). Il aura  déstabilisé  une  chapelle  en rappelant, tel Aristote,  que la langue première de l’homme n’avait  pas de logique .Néanmoins, la logique aristotélicienne n’a pas résolu –pour autant-l’aporie. La langue n’est , selon le penseur arabe Aboulfateh ibn Jouniey ( 9ème siècle) « que de sons par lesquels les nations expriment leurs besoins » .  Avec le développement  de la phonologie et de la phonétique, le champ de la reconstruction étymologique s’ouvre aux linguistes. D’autres philologues arabes  avaient  déjà brodé  la trame syntaxique , stylistique(Sibaoueh et Al khalil ibn Ahmed) et la lexicologie (Ibn Mandhour  ).
           En effet, si par hypothèse, on admet que dans le grec (ancien) il y a du phénicien  lequel emprunte à l’assyrien ,lequel pique  à l’Araméen et l’arabe butine à l’hébreu, il devient aisé de remonter le tronc « sémite » commun pour  parvenir  à l’ apport ontologique  aux autres langues  proches dites « indo-européennes » ;sachant  également  que le Sanskrit hindou-dravidien ou le phersi( ancien)  doivent transiter  par l’Orient pour  atteindre l’Occident . ..
      Bien que polyglotte (arabe, français,anglais,russe et chinois ( ?), Guermadi s’est contenté d’un voyage –inachevé-  dans l’oralité et l’intertextualité  du bilinguisme local .Ne manquait que le Tifinaghe( berbère) à son palais !
         Révulsif à l’égard de tout courant traditionnaliste qui  vogue- à contre courant- des sciences psycho-sociales, il fut  co-fondateur de la  revue progressiste « Attajdid »( Le Renouvellement) .

ET QUID DU FRANÇAIS ?
          En dépit de sa propension à crier sa contenance (il n’a pas choisi sa date et  lieu de naissance ni ceux  de sa mort), Salah aimait la vie et s’émerveillait  devant la beauté inouïe des paysages de cette terre de Tunisie et les intonations dialectales de son peuple.
        Dans les années 80 ,il a élu domicile au village de Sidi Bou Said , face à la  grande bleue . Faut-il y voir un retour  à la rue Essouwahel ,au sens propre du dénominatif ?Possible .
        Résidant  à l’époque  le même  village où j’ai fait connaissance de la mère de mes enfants ;il m’arrivait de le croiser –quelques fois- le soir . Le temps de siroter –sur les nattes du Café homonyme-un thé à la menthe ; sur fond de  gargarismes du narguilé  et d’un air de  l’égyptien Salah (encore un ! )Abdelhay qu’affectionne SI Moncef,  le maitre des céans .Impressions :une barbe taillée  de marin méditerranéen , un érudit tranquille et impulsif  à la fois, toujours pressé et capable de balayer en une périphrase   un courant  soufi (mystique) , partir en tirade sur  Hegel ou les  « Fragments d’un discours amoureux »de R.Barthes dont la date de décès  , également tragique, à Paris en 1980  coïncide – curieusement-  un  25 mars  …
Salah se délecte en maniant  sa franco(fi)nie déroutante et caustique  dont le » je » se confond souvent avec le  « jeu » .Des maux dans les mots .Un langage dont  il a démonté   les ressorts .Il aiguise  ,par ricochet , la curiosité de ses rares interlocuteurs profanes …que nous fumes  et le sommes encore , sous la triple emprise de  l’agnostique , du mystique et du  matérialisme .
        A une encablure de sa rue natale,le regard du futur linguiste a du croiser l’écriteau,en blanc sur fond bleu qui indique « l’impasse du Français ».Un avatar d’une  autre tradition transplantée.
        Lors d’un débat  sur le bilinguisme, il reconnait  que «  c’est par l’intermédiaire de la langue française qu’il se sentait le plus libéré du poids de la tradition. » « Et c’est là que le poids de la tradition étant moins lourd, je me sens plus léger » (Revue Alif –Décembre 1971).Reconstructiviste,il participe à l’éclatement de la prosodie arabe classique l’accouchant d’une nouvelle fibre « po-éthique » transversale et universelle.Elle est classée dans le genre « ni vertical ni libre ».Improprement .
Flash-Cut :Pour un libre penseur , la tradition,  c’est  un référent  ankylosant  ou/et  un pied de nez  -en hommage décalé- aux impasses des rues de sa prime jeunesse . Ce quartier  d’artisans de sparte( halfa),  reste un épicentre  d’esprits d’envergure et d’ artistes talentueux. Salah Guermadi n’est  plus  avec  nous mais demeure parmi  ceux  qui s’intéressent, en épigones , à l’exercice –amusant- de  la  maïeutique linguistique. Parti en 1982,en avril prochain, il aura eu 82 ans . Que ses lecteurs et collègues le remémorent. Mes respects, Professeur.

  (c)Habib OFAKHRI
       Mars 2015.Il                                                                                                              est  minuit. 
                                                                                                                                                                                                                                   

                               "je pleure,non je ris" (dixit S;Guermadi)